Écrit par 2012 JusticeMakers Fellow Charles Mugaruka Mupenda.
« Malgré l’extrême pauvreté, les conséquences des guerres à répétition, la grande discrimination et le défaut d’intérêt des acteurs, il est possible d’accorder une protection juridique effective aux personnes vivant avec le VIH au Sud-Kivu ; il suffit juste d’y croire et d’oser ».
Touché par des problèmes que rencontrent les personnes porteuses du VIH-Sida en matière d’accès à la justice (notamment en milieux ruraux en RDC en général et au Sud-Kivu en particulier), problèmes dus notamment à la grande discrimination dont elles font l’objet, à l’ignorance des violateurs et des victimes, aux coutumes discriminatoires, à l’extrême pauvreté des populations rurales en RDC et à la non-diffusion des dispositions et décisions protégeant les personnes ci-avant reprises dans un document d’accès facile aux acteurs de leur protection, j’ai postulé au prix « Justice Makers 2012 » d’IBJ qui leur est spécialement dédié et ai soumis le projet intitulé Un taxi pour l’assistance judiciaire gratuite et l’accès aux droits des détenus atteints du VIH à la prison de Kavumu dans le territoire de Kabare au Sud-Kivu en République Démocratique du Congo.
Ce projet vise à contribuer à la résolution de la question jusqu’ici peu débattue de la protection juridique et juridictionnelle des droits des personnes atteintes du VIH en RDC (par le truchement, entre autres, de l’assistance judiciaire gratuite devant aboutir à contribuer à l’élaboration d’une jurisprudence favorable aux droits de ces personnes, la réalisation d’une étude sur l’état des lieux de la protection législative et juridictionnelle des droits de ces dernières et l’organisation d’un atelier de renforcement des capacités en matière de protection de ces personnes en RDC, en faveur des acteurs judiciaires, pénitentiaires, sanitaires, coutumiers et de la société civile).
Le choix de l’intitulé, un peu curieux, a été inspiré du constat d’après lequel les besoins des personnes vivant avec le VIH-Sida dans le territoire de Kabare sont énormes et les victimes nombreuses, au point que le seul prix d’IBJ ne servira qu’à amorcer un processus dont la continuation après le délai d’exécution de trois activités prévues s’impose. Tout en comptant sur l’appui d’autres potentiels donateurs, j’ai jugé utile de développer, avec le prix reçu, une activité génératrice des revenus qui seront au final affectés à la réalisation et à la pérennisation du projet. Le choix a porté sur un taxi au regard de la rentabilité de l’exploitation de ce dernier et de l’éloignement de la juridiction concernée par le projet par rapport à la ville de Bukavu où vivent les Avocats et/ou Défenseurs judiciaires devant assister les victimes (ce taxi pourra donc contribuer à la mobilisation des revenus et au transport des victimes et leurs Conseils de la ville à Kavumu où se dérouleront les audiences et seront formés les acteurs ci-avant repris).
Le gros d’efforts du gouvernement et des ONGs ont été concentrés sur l’aspect sanitaire des problèmes des personnes vivant avec le VIH, mais personne ne s’est, jusqu’ici, intéressé à leur protection juridique et juridictionnelle, en dépit de l’inscription dans le Document de croissance et de stratégie de réduction de la pauvreté du Gouvernement congolais pour 2011-2015. D’ailleurs, même l’assistance médicale n’atteint pas de manière efficace les détenus porteurs du VIH qui sont traités comme tous les autres co-détenus (n’accèdent donc pas aux soins), encore que là qu’une moindre prise en charge médicale est assurée aux détenus porteurs du VIH (par exemple la distribution des antirétroviraux ou l’accès aux services de l’Infirmier ou du Médecin traitant), ceux des milieux ruraux n’y accèdent pas (c’est le cas de la prison de Kavumu ne comportant aucun agent sanitaire dans le personnel pénitentiaire, alors que ne cesse de gonfler le nombre de sa population carcérale). Le prix « Justice Makers 2012 » qui m’a été accordé me permettra donc de lancer le débat en la matière et d’apporter de l’aide à ces personnes.
Depuis novembre 2007, je suis Défenseur judiciaire près les Tribunaux du ressort de la Cour d’Appel de Bukavu, ai assisté beaucoup d’indigents en matière d’accès à la justice par devant les tribunaux de Bukavu et d’Uvira (y compris par devant ses sièges secondaires de Kavumu et Kamituga). Après mes études secondaires en pédagogie générale, j’ai obtenu une licence en Droit Public à l’Université Catholique de Bukavu en RDC où je suis également Assistant d’enseignement et de recherche, un Master 1 en Droit international des droits de l’Homme et un Master 2 en Pratique des organisations internationales et protection des droits de l’Homme à l’Institut des droits de l’Homme de l’Université Catholique de Lyon en France.
Content et fier de l’honneur m’accordé en faisant figurer mon nom sur la liste des Fellows de ce prix au titre de l’année 2012 et me permettant d’accomplir mon rêve qui est celui d’apporter de l’aide aux nécessiteux et vulnérables de ma communauté, je remercie IBJ, les juges et la Fondation Lévi Strauss. Aux autres lauréats et à la grande communauté des Justice Makers, je dis un tout grand merci et, fort de l’appartenance à ce grand réseau, j’espère et souhaite bénéficier de la collaboration des lauréats dans la réalisation des activités de mon projet.
Enfin, je remercie ma famille, mes amis, l’UCB et l’IDHL d’avoir largement contribué à faire de moi ce que je suis.