Charlène Buisson

le 17 septembre 2014

Le 17 septembre 2014, Theara, un ancien client d’IBJ récemment acquitté et libéré nous a reçu chez lui dans la province cambodgienne de Prey Veng. Maitre Prak Phin, l’avocat local d’IBJ et son assistant Leang Sina nous ont conduit jusqu’à la maison de Theara située à environ 40 kilomètres du bureau provincial d’IBJ. Le trajet au milieu des rizières verdoyantes s’est avéré beaucoup plus long que prévu puisqu’il nous a fallu presque trois heures sous la pluie et sur une route boueuse pour y arriver. Arrivés à destination, Theara a partagé son histoire avec nous.

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Une nuit de décembre 2013, un coup de feu dans le voisinage réveilla Theara et sa femme. La belle-mère de Theara, vivant dans la maison voisine, voulue voir ce qui se passait et la femme de Theara lui a demandé de l’accompagner. Il y avait déjà beaucoup de villageois quand ils sont arrivés à la maison du voisin d’où le bruit venait. Apparemment, un groupe de quatre hommes armés était entré dans la maison pour la cambrioler. Après avoir frappé et ligoté le mari, ils auraient menacé sa femme réclament ses bijoux et l’argent. Selon les propriétaires, ils auraient volé au total 12 millions de riels (environ 3 000 dollars américains) et 1 545 dollars.

Quand les villageois et la police sont arrivés, les quatre hommes étaient déjà partis. Néanmoins, la femme victime du vol a déclaré qu’elle reconnaissait Theara comme l’un des voleurs, attestant qu’elle avait entendu les voleurs parler un dialecte particulier que seul Theara connaissait dans le village.

Theara and his two daughters in front of their house

Theara avec ses deux filles

Les policiers ont alors arrêtés Theara et l’ont emmené au poste de police sans enquête complémentaire pour qu’il d’avoue son crime et révèle le nom des autres voleurs. Theara, a clamé son innocence et les policiers ont alors commencé à frapper sa jambe gauche, et ce pendant plusieurs heures. A aucun moment Theara n’a été informé de son droit à un avocat ou des services d’aide juridique. Après deux jours de garde à vue, Theara a été transféré à la prison de Prey Veng où il a enduré les conditions difficiles d’une cellule surpeuplée.

L’utilisation de la violence et de la torture en vue d’obtenir des aveux est encore une technique courante au Cambodge. En effet, la police manquant de moyens pour mener une réelle enquête judiciaire, il est toujours plus rapide et moins cher d’arrêter un suspect et de le faire avouer.

Après plusieurs mois de prison, un des greffiers du tribunal a finalement demandé à Theara s’il avait un avocat et le juge d’enquête lui a alors assigné Prak Pin, l’avocat d’IBJ basé à Prey Veng.

Quand il a rencontré Prak Pin pour la première fois, Theara était angoissé mais ses inquiétudes se sont rapidement dissipées quand il a compris que l’aide juridique de Prak Pin pourrait l’aider à sortir de prison, et qu’il pouvait avoir confiance en lui.

Advocat d'IBJ Prak Phin et Theara

Avocat d’IBJ Prak Phin et Theara

Le 28 août 2014, le procès a finalement eu lieu après plus de 8 mois de détention. Theara a été accusé de vol avec violence, crime passible de un à trois ans d’emprisonnement conformément à l’article 357 du Code pénal cambodgien. Maitre Prak Pin a présenté au tribunal des éléments de preuve à décharge, notamment 8 témoins, dont la tante de la victime, et les témoignages de 58 villageois qu’ils ont tous attesté son innocence.

Le 3 septembre 2014, le juge a prononcé son verdict acquittant Theara qui fut libéré cinq jours plus tard. Il est immédiatement allé prendre soin de sa mère dans la province de Battambang (environ 450 km de Prey Veng) qui était tombé malade alors qu’il était en prison. Il va à présent essayer de soigner sa jambe gauche nécessaire à sa reprise du travail en tant qu’ouvrier du bâtiment et cueilleur de fruits.

Pendant sa détention, les filles de Theara, agées de 16 et 17 ans ont dû travailler dans une usine pour nourrir le reste de la famille, dont un bébé de trois ans. La femme de Theara a aussi dû contracter un emprunt à la banque.

Aujourd’hui Theara est de retour dans son village. Il n’a pas encore revu les voisins qui l’ont accusé de vol et il a peur de les rencontrer de nouveau. «J’ai une famille à nourrir et un emprunt à rembourser, j’ai besoin de travailler dès que possible et éviter les problèmes», explique-t-il. C’est la raison pour laquelle il ne veut pas poursuivre les voisins en justice ni la police pour les mauvais traitements subis.

 

Prak Phin, provincial lawyer (right) and Leang Sina, provincial investigator (left)

Prak Phin, avocat provincial (droit) avec Leang Sina, l’enquêteur provincial (gauche)

Theara n’a cessé de remercier son avocat et IBJ. «Sans avocat d’IBJ je serais probablement encore en prison. Je ne pourrai jamais le remercier suffisamment de son aide et sa générosité. IBJ m’a offert une renaissance.», conclut-il.